Le modèle de cartes postales envoyées à Emmanuel Macron réclamant justice pour Sarah Halimi — Consistoire israélite du Haut-Rhin

  • Sarah Halimi, une sexagénaire juive, a été défenestrée par son voisin en avril 2017 sous l’œil impuissant de ses voisins.
  • En décembre 2019, la décision de la cour d’appel de Paris de le déclarer « pénalement irresponsable » avait suscité une vive polémique. 
  • Ses proches s'étaient alors pourvus en cassation. 

La Cour de cassation a tranché ce mercredi : Kobili Traoré ne sera pas jugé pour le meurtre de sa voisine, Sarah Halimi, une sexagénaire de confession juive, dans la nuit du 3 au 4 avril 2017. Qu’importe que des dizaines de témoins l’aient vu rouer de coups la victime puis la défenestrer aux cris d'« Allah Akbar ». Qu’importe également ses aveux. « Je me sentais comme possédé. Comme oppressé par une force extérieure, une force démoniaque », confiera-t-il au juge d’instruction quelques mois plus tard. Dans leur arrêt, les Sages ont confirmé le non-lieu pour irresponsabilité pénale prononcé en décembre 2019 dans ce dossier hautement sensible : ce soir-là, le discernement du meurtrier était aboli et il ne peut donc pas répondre pénalement de son geste.

« Bouffée délirante aiguë »

Pas moins de sept experts psychiatres se sont penchés sur ce dossier et tous sont unanimes : lors du meurtre de Sarah Halimi, le suspect souffrait d’une « bouffée délirante aiguë »​. Ils s’accordent également pour dire que le cannabis qu’il consommait abondamment – une quinzaine de joints par jour pendant près de 15 ans – a, au minimum, accentué ce trouble. Mais au cours de l’instruction, les psychiatres se sont opposés sur les conséquences d’une telle consommation. Pour Daniel Zagury, le premier à avoir rencontré Kobili Traoré, sa consommation « volontaire et régulière » de cannabis le rend partiellement responsable de son acte. Deux autres collèges d’experts ont, en revanche, estimé qu’il pouvait ignorer les effets hallucinogènes de cette drogue et se sont prononcés en faveur d’une irresponsabilité pénale. C’est sur la foi de ces expertises que les magistrats de la cour d’appel avaient conclu à l’irresponsabilité pénale, au grand dam de la famille de la victime qui s’était pourvu en cassation.

« Nous avions placé beaucoup d’attente auprès des magistrats que l’on dit "Sages" », a déploré lors d’une conférence de presse organisée dans l’après-midi, l’une des avocates de la famille, Me Muriel Ouaknine-Melki, qui s’est inquiétée du message envoyé à la communauté juive, en dépit de lareconnaissance du caractère antisémite du meurtre. « La justice française protège-t-elle tous les citoyens français de la même manière ? », s’est-elle interrogée, prédisant une recrudescence des départs pour Israël dans les mois à venir. « Comment voulez-vous qu’on dise à la famille de Sarah Halimi que Kobili Traoré a volontairement donné la mort mais qu’en même temps, il n’avait pas conscience de ce qu’il faisait ? », poursuit Me Oudy Bloch, qui défend avec elle le frère de la victime, et fait part de son intention de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme.

Une décision conforme au droit

A ce stade de l’article, un petit cours de droit s’impose : la Cour de cassation, la plus haute juridiction du droit français, ne se penche pas sur le fond du dossier, elle n’examine ni les faits, ni les preuves, elle statue uniquement sur le droit. En clair : la décision des magistrats d’estimer que le discernement de Kobili Traoré était aboli au moment du passage à l’acte, notamment parce qu’il consommait en grande quantité du cannabis, est-elle une juste application du droit français ? Oui, ont estimé les Sages. « Aucun élément du dossier n’indique que la consommation de cannabis par l’intéressé ait été effectuée avec la conscience que cet usage des stupéfiants puisse entraîner une telle manifestation », précise l’arrêt qui rappelle que le code pénal ne fait pas de distinction sur l’origine du trouble ayant conduit à l’abolition du discernement. « Aujourd’hui, on peut fumer, sniffer, se piquer à haute dose au point de provoquer une bouffée délirante sans s’inquiéter des conséquences », a déploré Me Oudy Bloch qui espérait une évolution de la jurisprudence.

Aujourd’hui, Kobili Traoré fait l’objet d’une hospitalisation d’office complète en milieu psychiatrique et des mesures de sûreté pendant 20 ans. Pour en sortir, deux psychiatres extérieurs à l’établissement où il est accueilli doivent établir que le trentenaire n’est plus dangereux ni pour lui ni pour autrui. Insuffisant, selon les proches de la victime : le meurtrier ne souffrant d’aucune maladie psychiatrique avérée, il pourrait être relâché dans les mois ou les années à venir. « En France, on ne juge pas les fous, mais on n’interne pas non plus les sains d’esprit », rappelle Me Nicolas Benouaiche, qui défend un neveu de la victime.

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