L'Assemblée nationale examine jeudi les moyens pour mieux protéger les mineurs face aux violences sexuelles, notamment l'établissement éventuel d'un seuil de non-consentement et une modification du délai de prescription. Pour l'avocate Marie Dosé, invitée d'Europe 1 jeudi, il s'agit là de mesures "inutiles". 

INTERVIEW

Sur fond de libération de la parole des victimes, l'Assemblée nationale examine jeudi les moyens pour mieux protéger les mineurs face aux violences sexuelles. Renforcement des peines, évolution du délai de prescription, âge de non-consentement à 15 ans - 18 pour l'inceste - et définition plus large des actes délictueux constituent les principales pistes du gouvernement et de la majorité. Une réforme que l'avocate Marie Dosé juge toutefois "inutile" jeudi au micro d'Europe 1. "Nous sommes face à une proposition de loi compulsionnelle, notamment motivée par les affaires Duhamel et Springora. Le droit existant répond déjà à ce type d'affaires", affirme-t-elle.

La loi Schiappa d'août 2018 "a déjà élargi la définition de la contrainte"

Après la mise en cause de l'écrivain Gabriel Matzneff, visé par une enquête pour viols sur mineurs de moins de 15 ans, les tabous ont continué de tomber avec le récit livré par Camille Kouchner dans son livre paru en janvier, La familia grande, où elle accuse son beau-père, le politologue Olivier Duhamel, d'agressions sexuelles sur son frère jumeau à l'adolescence. La loi n'étant pas rétroactive, un texte voté aujourd'hui ne s'appliquerait toutefois pas à ces affaires anciennes. Et selon Marie Dosé, le droit actuel protège déjà les victimes de violences sexuelles. 

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"Aujourd'hui, il n'y aurait de prescription ni dans l'affaire Springora, ni dans l'affaire Duhamel. On a une quasi impréscribilité : la loi permet aux victimes mineures d'agressions sexuelles de porter plainte jusqu'à 30 ans après leur majorité, donc jusqu'à leurs 48 ans", pointe Marie Dosé.

D'après elle, il n'y aurait aujourd'hui pas non plus de difficulté à établir le non-consentement des victimes si ces affaires étaient portées aujourd'hui dans un tribunal. "La loi Schiappa d'août 2018 a élargi la définition de la contrainte", rappelle Marie Dosé, qui ajoute : "On est entrain de réformer une réforme alors que les magistrats ne l'ont même pas encore rencontrée."

"Un seuil de non-consentement revient à une présomption de culpabilité"

L'établissement d'un seuil de non-consentement est l'une des mesures phares de la proposition de loi. Tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de moins de 15 ans serait, si elle adoptée en l'état, automatiquement considéré comme un crime. Marie Dosé y est farouchement opposée. "Marlène Schiappa y avait renoncé en 2018 après les réserves émises par le Conseil d'Etat, qui considérait qu'il s'agirait-là d'une violation de la constitution. Tout simplement parce qu'en matière de crime, on ne peut pas user d'une présomption de culpabilité", argue-t-elle. 

Le gouvernement s'était dit mardi dernier "favorable" à l'établissement de ce seuil de non-consentement. Dimanche, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti avait annoncer vouloir en fixer un à 18 ans pour l'inceste. Interrogé sur l'entrée en vigueur du texte, Eric Dupond-Moretti a évoqué le mois d'avril "vraisemblablement".