Antoine Griezmann siffle le coup de sifflet final avec Huawei. Le meneur de jeu de l'équipe de France a annoncé jeudi 10 décembre mettre "un terme immédiat à (son) partenariat" avec l'entreprise chinoise, invoquant de "forts soupçons" sur la participation du géant des télécoms à la surveillance de la minorité musulmane ouïghoure.

"Suite aux forts soupçons selon lesquels l'entreprise Huawei aurait contribué au développement d'une 'alerte Ouïghour' grâce à un logiciel de reconnaissance faciale, j'annonce que je mets un terme immédiat à mon partenariat me liant à cette société", a écrit l'attaquant de Barcelone, qui avait un contrat avec la marque depuis 2017.

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Le champion du monde 2018 appelle "Huawei à ne pas se contenter de nier ces accusations mais à engager au plus vite des actions concrètes pour condamner cette répression de masse" de la minorité ouïghoure "et user de son influence pour contribuer au respect des droits de l'Homme et de la Femme au sein de la société".

Sollicité par l'AFP, Huawei France n'avait pas réagi en milieu d'après-midi.

Une minorité persécutée

Des entreprises chinoises ont été accusées par le passé d'avoir mis en place des logiciels de reconnaissance faciale permettant de repérer des personnes d'apparence ouïghoure.

Encore mardi, Huawei a été montré du doigt aux États-Unis pour avoir été impliqué dans des tests d'un tel logiciel de détection, selon le cabinet de recherche IPVM.

Un rapport interne au groupe chinois (retiré du site de Huawei mais encore trouvable sur Internet) indiquait que ce logiciel de reconnaissance du visage était en phase de tests pour fournir "des alertes à la présence d'Ouïghours" et permettait de reconnaître "l'âge, le sexe, l'appartenance ethnique".  

Mercredi, l'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW), basée aux États-Unis, a affirmé dans un rapport que des musulmans avaient été arrêtés dans la région chinoise du Xinjiang (nord-ouest) après avoir été "signalés" par un logiciel qui repère les comportements suspects.

Les Ouïghours constituent le principal groupe ethnique du Xinjiang, une immense région de l'ouest de la Chine, frontalière notamment de l'Afghanistan et du Pakistan.

Selon des experts étrangers, un million d'Ouïghours ont été placés en détention ces dernières années dans des camps de rééducation politique. Pékin dément ce chiffre et affirme qu'il s'agit de centres de formation professionnelle destinés à éloigner les personnes de la tentation de l'islamisme, du terrorisme et du séparatisme après une série d'attentats attribués à des Ouïghours.

Des footballeurs de plus en plus engagés

Longtemps, les sportifs, et notamment les footballeurs, se sont gardés de prendre position, à quelques exceptions notables, comme l'Ivoirien Didier Drogba ou le Français Lilian Thuram.

La décision d'Antoine Griezmann intervient au moment où les sportifs français interviennent de plus en plus dans les débats sociétaux, à l'instar de leurs collègues américains, qui furent moteurs dans le mouvement Black Lives Matter.

Après la publication d'une vidéo montrant des policiers passer à tabac un homme noir à Paris, Antoine Griezmann avait écrit il y a deux semaines un tweet remarqué, "J'ai mal à ma France". D'autres grands noms du sport français lui avaient emboîté le pas, comme Kylian Mbappé, qui avait dénoncé des "violentes inadmissibles", ou les basketteurs Rudy Gobert et Evan Fournier.

Mardi soir, en Ligue des champions, les joueurs des clubs turc de Basaksehir et français du Paris Saint-Germain ont quitté la pelouse du Parc des Princes après avoir entendu l'arbitre-délégué désigner comme "le noir" un membre de l'encadrement stambouliote. Le lendemain, à la reprise de la rencontre, ils ont arboré des tee-shirts contre le racisme.

En mai 2019, dans un contexte de polémiques sur l'homophobie persistante dans les stades de France, Antoine Griezmann avait fait la couverture du magazine LGBT+ Têtu : "L'homophobie n'est pas une opinion, mais un délit. Et, désormais, si un joueur tient des propos homophobes sur le terrain, je pense que j'arrêterai le match. Parce qu'il faut que ça change", avait-il dit dans un long entretien.

"On assiste à quelque chose de nouveau, de très singulier", a jugé mercredi dans un entretien à l'AFP l'historien du sport Claude Boli, frère des anciens joueurs Basile et Roger Boli, insistant sur le rôle des réseaux sociaux dans cette présence croissante des sportifs dans le débat.

Avec AFP

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