Les juges d'instruction ont abandonné les poursuites contre Anis Hanachi, le frère du tueur responsable de l'attentat devant la gare de Marseille en 2017. Seul suspect, il est libéré après trois ans et demi de détention provisoire. Les parties civiles envisagent de faire appel.

La perspective d'un procès s'éloigne pour les familles des deux cousines assassinées en 2017 lors d'un attentat jihadiste devant la gare de Marseille-Saint-Charles: les juges d'instruction ont abandonné les poursuites contre le frère du tueur, seul suspect du dossier. Anis Hanachi, 29 ans, seul mis en examen du dossier doit être désormais libéré après trois ans et demi de détention provisoire puis extradé vers la Tunisie, où il a été condamné en son absence en 2018 à douze ans de prison pour "des faits en lien avec une activité terroriste", selon l'ordonnance des magistrats rendue mercredi et consultée par l'AFP.

L'auteur de l'attaque ayant été abattu par les forces de l'ordre et aucun autre suspect identifié, la décision des juges sonne la fin de la procédure judiciaire, mais les parties civiles ont annoncé envisager d'en faire appel. Le parquet national antiterroriste (Pnat), dans ses réquisitions en janvier, avait pris position en faveur d'un non-lieu. Le 1er octobre 2017, deux cousines, Laura Paumier, 22 ans, et Mauranne Harel, 20 ans, ont été poignardées à mort sur le parvis de la gare Saint-Charles par Ahmed Hanachi, Tunisien de 29 ans. L'attentat avait été revendiqué, "opportunément" selon les enquêteurs, par le groupe Etat islamique mais aucun lien n'a été établi entre le tueur et l'organisation jihadiste.

"On ne soulage pas la douleur des familles avec le procès d'un innocent"

Ce jour-là, Anis Hanachi, petit frère du tueur, avait précipitamment quitté la France, vingt-quatre heures à peine après son entrée clandestine sur le territoire. Arrêté six jours plus tard en Italie, il était remis à la France et mis en examen le 3 novembre 2017 pour "association de malfaiteurs terroriste". Son "parcours jihadiste relativement solide", dont un possible séjour en Syrie en 2013 au sein du front al-Nosra - qu'il conteste - et son comportement à l'époque des faits ont "pu légitimement éveiller les soupçons", notent les juges. Mais au terme de trois années d'investigations, "les enquêteurs ne sont pas parvenus à identifier une résolution terroriste commune" aux deux frères, concluent-ils.

"Je comprends que ce soit douloureux pour les parties civiles, mais on ne soulage pas la douleur des familles avec le procès d'un innocent", a réagi l'avocat d'Anis Hanachi, Me Jérémie Boccara, joint par l'AFP. "Le Pnat ne demande pas souvent des non-lieu et pas à la légère", a ajouté l'avocat. "Il y a des éléments à charge tout à fait suffisants pour tenir un procès", a au contraire estimé Béatrice Dubreuil, avocate avec Me Alice Cabrera des parents des victimes.

Procédure en responsabilité engagée contre l'Etat

Pour Me Dubreuil, "Anis Hanachi est au cœur d'une fratrie qui n'est pas sans rappeler celle de Mohamed Merah", l'auteur des attentats de mars 2012 à Toulouse et Montauban. Son grand frère Abdelkader Merah, décrit comme son mentor, a été condamné en appel à trente ans de prison en 2019 pour complicité des sept assassinats commis par son petit frère. "Nonobstant le parcours chaotique" du tueur, toxicomane, "le passage à l'acte de Ahmed Hanachi est incontestablement marqué par son adhésion - même relativement récente - à l'idéologie criminelle du jihad armé", analysent les magistrats.

Ils soulignent le mode opératoire de l'attaque "à l'arme blanche au cri de +Allah akbar+" et son "conditionnement préparatoire" par "l'écoute de chants religieux guerriers" ainsi que le choix de s'en prendre aux militaires pour mourir en martyr. Deux jours avant l'attaque, Ahmed Hanachi avait été arrêté à Lyon pour vol, puis remis en liberté le lendemain, au lieu d'être placé en centre de rétention. Pour ces faits, qui avaient entraîné une polémique et l'éviction du préfet du Rhône, les familles des victimes ont engagé une procédure en responsabilité de l'Etat, toujours en cours d'examen.

Un autre frère du tueur de Marseille, Anouar Hanachi, connu pour ses liens avec la mouvance jihadiste, avait été arrêté en octobre 2017 en Suisse, avant d'être rapidement remis aux autorités tunisiennes.