Accueil des personnes venant se faire vacciner contre le covid-19 au centre de vaccination de la mairie du 13eme arrondissement de Paris, le 18 janvier 2021. (Illustration) — ISA HARSIN/SIPA

  • « Plus c’est gros, plus ça passe ». Dans la capitale, certains sont pressés d’obtenir leur dose de vaccin contre le Covid-19. A tel point qu’ils n’hésitent pas à mentir pour se faire vacciner sans y être éligibles.
  • Bien que marginal, le problème est connu des centres de vaccination parisiens, où le personnel soignant veille à ce que les critères d’éligibilité à la vaccination soient respectés, même si certains passent entre les mailles du filet.
  • « Il est de la responsabilité de chacun et de chacune de ne pas saturer inutilement le système de réservation lorsqu’ils ne sont pas éligibles à la vaccination », rappelle la direction générale de la Santé (DGS).

Il y a ceux qui ont peur de se faire vacciner contre le Covid-19. Et puis il y a ceux qui sont prêts à tout pour obtenir une dose du précieux sésame. Quitte à filouter un peu pour ne pas attendre leur tour. A Paris, certains habitants n’hésitent pas à prendre rendez-vous en centre de vaccination alors qu’ils ne sont pas éligibles, et à mentir pour contourner la suspicion des soignants.

Jessica*, habitante du 16e arrondissement, est esthéticienne dans un salon familial de ce quartier huppé de la capitale. A 31 ans, elle n’a pas souhaité attendre d’être éligible pour se faire vacciner contre le coronavirus. « Le gouvernement nous pousse à la vaccination, mais notre tour ne vient pas, alors j’ai pris les devants », explique la jeune femme qui cite Israël en exemple. « Là-bas, la vaccination massive a permis à la population de reprendre une vie quasiment normale », oppose-t-elle, nostalgique de la « vie d’avant » l’épidémie.

« Plus c’est gros, plus ça passe »

Sur la plateforme de prise de rendez-vous médicaux Doctolib, elle a donc choisi un créneau horaire en se déclarant professionnelle de santé. Le site Internet l’a renvoyée vers la mairie du 16e arrondissement de Paris. Sur place un agent municipal y est chargé de vérifier les rendez-vous et au bout de quelques minutes d’attente, elle est invitée à se présenter à un médecin chargé de la consultation prévaccinale.

« Je suis opticienne, et je travaille avec les Ehpad, j’ai donc besoin de me faire vacciner », déclare-t-elle avec bagout au médecin, étonné de son jeune âge. On ne lui demande pas plus de justificatif. C’est dans la boîte, la trentenaire vient de recevoir sa première dose de vaccin Pfizer, pourtant réservé aux personnes souffrant de comorbidités, ou ayant plus de 60 ans. Elle y envoie également son père, qui déclare être secouriste ambulancier volontaire alors qu’il travaille dans l’immobilier. Il est rapidement vacciné. « Plus c’est gros plus ça passe », s’amuse-t-elle.

Faux métiers et comorbidités

Si Jessica et son père se sont inventé un métier, Alice*, elle, a préféré s’attribuer un facteur de risque au Covid-19. « J’ai peur qu’on me donne un autre vaccin que celui de Pfizer-BioNTech », confie l’avocate au barreau de Paris de 29 ans. Le risque de thrombose induit par le vaccin d’Astra Zeneca et l’emballement médiatique qu’a suscité sa – pourtant brève – suspension au mois de mars la motive à aller se faire injecter une dose de Pfizer en centre de vaccination. Elle a suivi la même méthode que Jessica, et obtenu un rendez-vous à la mairie du 10e arrondissement de Paris.

Une fois en préconsultation, Alice explique au médecin qu’elle souffre d’hypertension. « On s’est regardé un peu bizarrement, je crois qu’il a compris que je lui mentais… Mais finalement, il ne m’a pas demandé de me justifier outre mesure et j’ai reçu ma première dose de vaccin », raconte l’avocate. « Je n’étais pas fière après-coup, je me suis dit que je prenais sûrement la place de quelqu’un qui a plus besoin du vaccin que moi, reconnait-elle, mais on en a tous marre, et la vaccination représente à la fois la sortie de cette épidémie, et la perspective de passer un été normal où l’on pourra voyager à nouveau et profiter de la vie. »

Un problème connu des centres de vaccination parisiens

Contactée par 20 Minutes, la maire PS du 10e arrondissement de Paris, Alexandra Cordebard, balaie le problème : « C’est très largement minoritaire, il doit bien y avoir des resquilleurs et des gens qui pensent être éligibles alors qu’ils ne le sont pas, mais quand les gens comprennent les consignes gouvernementales, ils s’y tiennent ! » Avec 850 doses par semaine « grand maximum » pour son centre de vaccination, l’approvisionnement en vaccin représente un plus gros problème pour la maire que les quelques citoyens qui s’accorderaient des passe-droits.

Le problème semble bien connu des centres de vaccination parisiens. « Avec Doctolib, n’importe qui peut prendre rendez-vous, donc certains tentent le tout pour le tout », rapporte le cabinet du maire du 16e arrondissement. « Le personnel médical tente de faire le tri, mais ce n’est pas leur fonction première et tout le monde n’est pas aussi regardant », explique-t-on. Une version confirmée par le centre de vaccination de la mairie du 8e arrondissement de Paris : « On a parfois entre 20 et 25 récusés par jour, ce qui représente quand même près de 10 % de nos vaccinations journalières ». Certains arrivent à passer entre les mailles du filet, mais « les médecins veillent tout de même à faire respecter les règles », souligne un responsable. « A partir du moment où vous faites des exceptions, c’est ingérable. »

Certificats médicaux « de complaisance »

Ce qui pose le plus problème, selon le responsable, ce sont les « certificats de complaisance » que certains patients arrivent à se procurer. A l’instar de Christian*, 42 ans, qui a confié à son médecin généraliste son envie d’obtenir rapidement une dose de vaccin et est reparti avec un certificat médical attestant de son éligibilité. Sa version non plus ne souffre aucune contradiction, et le quarantenaire sort de la mairie du 8e fraîchement vacciné. « Si on se retrouve obligé d’appeler chaque médecin généraliste pour justifier les certificats médicaux qu’ils rédigent à leurs patients, on n’est pas près d’y arriver », souffle-t-on au cabinet de la maire.

Contactée par 20 Minutes, la direction générale de la Santé (DGS) souligne que chaque personne engage son honneur lorsqu’elle prend rendez-vous sur Doctolib, et qu’une preuve de leur éligibilité doit leur être demandée à leur arrivée dans le centre de vaccination (carte d’identité, carte professionnelle, prescription médicale…). La DGS rappelle ainsi « qu’il est demandé aux professionnels de santé de maintenir un ciblage très fort et priorisé des personnes prioritaires » et « qu’il en est de la responsabilité de chacune et de chacun de ne pas saturer inutilement le système de réservation lorsqu’ils ne sont pas prioritaires. »

Du côté de l’Ordre des médecins, le service de presse rapporte qu’il n’a pas connaissance de l’existence de « certificats de complaisance », mais que « ceux-ci ne s’imposeraient pas au médecin intervenant en centre de vaccination, qui conserve toute son indépendance. »

*Le prénom a été modifié, à sa demande

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