• Le label ISR a été créé en 2016 pour « rendre plus visibles les produits d’investissement socialement responsables pour les épargnants », selon notre partenaire The Conversation.
  • Un vœu pieux mis à mal par les conclusions d’un rapport de l’Inspection générale des finances qui reproche au label de faire « à l’épargnant une promesse confuse pouvant occasionner des malentendus ».
  • Cette analyse a été menée par Yves Rannou, enseignant-chercheur en finance, Mathieu Mercadier, professeur associé en machine learning & finance et Mohamed Amine Boutabba, maître de conférences en économie.

Un récent sondage effectué pour l’Autorité des marchés financiers (AMF) souligne que plus d’ un Français sur deux affirme prendre en compte les enjeux de développement durable en matière d’épargne. En particulier, si 76 % d’entre eux estiment que l’impact de leurs placements sur la qualité de l’environnement est un sujet important, seulement 11 % disent connaître précisément les différents types de placements durables et responsables ou assimilés.

Pour les aider à se retrouver dans la jungle des produits financiers, l’État français et le ministère de l’Économie et des Finances ont créé le label ISR en 2016 afin de « rendre plus visibles les produits d’investissement socialement responsables pour les épargnants ». Pour obtenir ce sésame, les sociétés de gestion ou fonds d’investissement doivent investir leurs argents dans des entreprises respectant des critères ESG : environnementaux (E), sociaux (S) et de gouvernance (G).

L’impact des placements financiers sur l’environnement dans lequel les Français évoluent est d’ailleurs un sujet important © AMF 2021 (via The Conversation)

Le label ISR français occupe aujourd’hui une place de choix. Au 31 décembre 2021, 749 fonds ont obtenu le label, représentant un total de 693 milliards d’euros d’encours. Sur l’année 2021, ces fonds affichent une collecte cumulée de plus de 81 milliards d’euros.

​Un nouveau règlement dans l’UE

Malgré ce succès, un reportage lors d’un JT de France 2 a révélé les conclusions d’un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) sur le label ISR aux yeux du grand public. Il lui est reproché de faire « à l’épargnant une promesse confuse » pouvant « occasionner des malentendus ». Sans vraie réforme, les experts de Bercy ajoutent qu’il s’expose « à une perte inéluctable de crédibilité et de pertinence ».

VIDÉO : Placements – Une finance verte pas si verte ? (L’œil du 20h – France Télévisions)

En filigrane, se pose notamment le problème de sa comptabilité avec le nouveau règlement de l’Union européenne sur la publication d’informations de durabilité dans le secteur des services financiers (Sustainable Finance Disclosure Regulation, ou SFDR) entré en application en mars 2021.

Ce règlement identifie trois grandes catégories de fonds :

  • Article 6 (ces fonds n’intègrent pas d’objectifs de durabilité) ;
  • Article 8 (ces fonds promeuvent les caractéristiques environnementales et sociales) ;
  • Article 9 (ces fonds, les plus vertueux en matière d’environnement, visent l’investissement durable).

Cette catégorisation a été pensée pour les gérants d’actifs afin d’identifier en fonction du positionnement de chaque fond les exigences en matière de reporting et de communication vis-à-vis des clients finaux, à savoir les épargnants. Elle n’aura donc qu’une utilité limitée pour aider les clients à filtrer les fonds en fonction de leurs critères d’investissement ESG spécifiques.

Certains gérants d’actifs risquent alors de considérer la catégorisation SFDR comme une opportunité de marketing pour positionner leurs fonds comme étant axés sur le vert ou sur l’ESG. Or, l’Article 8 n’est pas destiné à être une gageure de qualité, mais un risque que les gestionnaires d’actifs le traitent comme tel existe.

​Gradation en niveaux

Par ailleurs, « on voit déjà des petits malins qui affichent leur “autoclassement” dans l’article 9, en le valorisant visuellement comme si c’était un label », indiquait Michèle Pappalardo, la présidente du Comité du Label ISR dans une récente interview à Revue banque. De nombreux fonds pourraient ainsi être étiquetés « article 8 ou 9 », d’autant que les obligations de reporting et de transparence imposées ne sont pas encore connues des gérants d’actifs lorsque les exigences de niveau 2 du SFDR entreront en vigueur.

Campagne d’affichage du Label ISR sur les bus © FIR et AFG

Autrement dit, si ces mêmes obligations mettent en place des normes de transparence fondée sur des catégories de fonds, elles ne sont pas conçues pour vérifier les nuances de « vert » ou de durabilité de ceux-ci. Par ailleurs, il y a un risque réel qu’ils soient noyés par cette quantité d’informations prévues par SFDR et qu’ils soient incapables de prendre une décision d’investissement éclairée.

Ce faisant, la reconnaissance du label ISR français, notamment due à son antériorité et son nombre, en fait un outil pertinent pour l’épargnant et le gérant d’actif à condition d’évoluer vers une gradation en niveaux comme le préconise le rapport de l’ IGF.

Notre récente recherche académique s’est ainsi intéressée à la pertinence du label ISR français comme outil de différenciation des stratégies d’investissement vertes.

Elle a étudié la performance environnementale de 380 fonds européens sur la période 2015-2020 en se basant sur six critères complémentaires largement utilisés par les professionnels :

  • trois en rapport avec les émissions carbone : niveau total, intensité carbone (émissions rapportées au montant investi par le fonds dans l’entreprise), empreinte carbone (émissions rapportées au chiffre d’affaires de l’entreprise) ;
  • trois en rapport à la consommation énergétique non verte : niveau total (consommation d’énergie nette de production d’énergies renouvelables), intensité énergétique (consommation d’énergie nette rapportée au montant investi par le fonds dans l’entreprise), empreinte énergétique (consommation d’énergie nette rapportée au chiffre d’affaires de l’entreprise).

Cette recherche a ensuite mobilisé des techniques de regroupement, dites de clustering, afin de distinguer les fonds en groupes (ou clusters) homogènes en matière de performances environnementales mesurées à partir des critères ci-dessus.

Les normes actuelles ne sont pas conçues pour évaluer les nuances de « vert » © Gotcredit / Flickr, CC BY-SA (via The Conversation)

Les résultats démontrent que le groupe de fonds (ou cluster) le plus vertueux vert foncé est le plus homogène et concerne environ 34 % des fonds labellisés en 2020, soit à peu près la proportion de fonds classés Article 9 (36 %) lui correspondant.

Le cluster vert clair, un peu moins vertueux concentre environ 50 % des fonds en 2020. Il se révèle très hétérogène en raison du fait que les fonds y appartenant suivent l’approche d’investissement best-in-class, privilégiant une optique de diversification du risque carbone avec plus de valeurs en portefeuille, en particulier les grandes capitalisations boursières françaises.

Enfin, le cluster brun, le moins vertueux, concerne 16 % des fonds soit un chiffre bien plus important que celui des fonds Article 6 (3,2 %) n’ayant aucun objectif environnemental et de durabilité affiché. Même si ce dernier chiffre laisse à penser à une certaine tentation au greenwashing des gérants, une vraie tendance à la décarbonation des fonds est pourtant observée : la part du cluster vert est deux fois plus importante fin 2020 comparée à fin 2015 alors que la part de fonds appartenant au cluster brun a été divisée par 2 entre 2015 et 2020.

Autre phénomène observé, les fonds ayant un univers d’investissement mondial ou hors Europe ont en proportion 1,5 plus de chances d’être dans le cluster vert que les fonds ayant un univers d’investissement uniquement européen.

Notre dossier « ÉPARGNE »

Pris globalement, ces résultats montrent l’importance de graduer le label ISR en quatre niveaux pour distinguer leur caractère vert soit un appelé vert foncé, deux appelés vert clair, et un appelé brun pleinement compatibles avec les Articles SFDR 9, 8 et 6 respectivement.

De cette façon, le label ISR deviendra un outil réellement pertinent à la fois pour le producteur (gestionnaire d’actifs) et le consommateur final (l’épargnant) afin de distinguer l’investissement vert de celui brun, moins respectueux de l’environnement.

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Cette analyse a été rédigée par Yves Rannou, enseignant-chercheur en finance au Groupe ESC Clermont ; Mathieu Mercadier, professeur associé en machine learning & finance au Groupe ESC Clermont ; Mohamed Amine Boutabba, maître de conférences en économie à l’Université d’Evry – Université Paris-Saclay.
L’article original a été publié sur le site de The Conversation.

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Déclaration d’intérêts
● Yves Rannou a reçu des financements du laboratoire CleRMa (Clermont Recherche Management) dont il est membre pour cette recherche sur le label ISR français.

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