Russie: des heurts éclatent dans l'Oural après la condamnation d'un opposant local

Des échauffourées ont éclaté ce mercredi 17 janvier entre des milliers de manifestants et la police dans une petite ville de l'Oural après la condamnation d'un opposant régional, un événement rare en Russie dans un contexte de répression tous azimuts.

Faïl Alsynov, militant bachkir, lors de son procès qui a eu lieu à Baymak, Bachkortostan (région du centre de la Russie), le 17 janvier 2024. © SOTA / AFP

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Quelque 6 000 personnes s'étaient rassemblées devant le tribunal de Baïmak, dans la république du Bachkortostan, où était jugé le militant Faïl Alsynov. Des vidéos relayées sur les réseaux sociaux montrent une foule de personnes chaudement vêtues jeter des boules de neige par -20°C sur des policiers munis de boucliers et d'autres scandant : «Honte! ». D'autres images montrent des manifestants toussant fortement et s'essuyant les yeux après l'utilisation du gaz lacrymogène par les forces de l'ordre dans cette ville de quelque 17 000 habitants située non loin du Kazakhstan.

Les manifestants ont été dispersés avec du gaz lacrymogène tandis qu'une vingtaine de personnes ont été arrêtées, selon l'ONG spécialisée OVD-Info, classée « agent de l'étranger » par l'État russe. Le Comité d'enquête de Russie a fait état de blessés, dont des policiers, et annoncé l'ouverture d'une enquête pour organisation d'« émeutes de masse » et violences contre la police, des crimes passibles de lourdes peines de prison.

Les protestataires encourent désormais jusqu'à 15 ans de prison si l'accusation de participation à une «émeute » est retenue. Selon OVD-Info, qui documente les manifestations et les arrestations en Russie et vient en aide aux opposants, «des dizaines de personnes ont été blessées » et l'accès à Internet mobile est «presque » totalement coupé sur place.

The protesters in #Bashkortostan face up to 15 years in prison

The police opened a criminal case under the article on mass disorder. The Public Council called it "a serious article of the Criminal Code". They said that the protesters' actions threaten Russia's national security. pic.twitter.com/MCbjpo0Izn

— NEXTA (@nexta_tv) January 17, 2024

Une telle explosion de colère dans la rue est devenue rarissime en Russie, où toute critique du pouvoir peut être punie d'une peine de prison. Les précédents mouvements d'ampleur dans la rue remontaient à l'automne 2022, au moment de la campagne de mobilisation de centaines de milliers de réservistes, des civils donc, pour renforcer les rangs de l'armée engagée en Ukraine.

Des heurts après la condamnation de Faïl Alsynov

Faïl Alsynov, qui lutte notamment contre l'exploitation des ressources énergétiques en république du Bachkortostan et qui a dénoncé l'assaut russe en Ukraine, venait d'avoir été condamné à quatre ans de prison pour « incitation à la haine». C'est ce jugement, rendu à huis clos, qui a conduit des milliers de ses partisans à manifester devant le tribunal.

L'affaire remonte à 2023 : dans un discours contre l'exploitation de mines d'or, Faïl Alsynov avait utilisé deux mots en bachkir, la langue locale, qualifiés de racistes par les autorités. Le militant affirme depuis que ses propos ont été mal traduits en russe : «Je ne reconnais pas ma culpabilité. J'ai toujours lutté pour la justice, pour mon peuple, pour ma république », s'est-il encore défendu après l'annonce du verdict. « Nous ferons appel». Dans son jugement, le tribunal de Baïmak a quant à lui statué que les propos de Faïl Alsynov avaient eu pour but d'« inciter à la haine et d'humilier la dignité d'un groupe de personnes sur la base de la race, de la nationalité, de la langue ou de l'origine».

Le ministère de l'Intérieur de la région avait pour sa part appelé mardi à ne pas manifester devant le tribunal, un délit «punissable par la loi », avait-il rappelé dans un communiqué. Ce rappel à l'ordre des autorités intervenait au lendemain d'une première manifestation d'ampleur en soutien à Fail Alsynov à Baïmak, au cours de laquelle plusieurs centaines de personnes avaient réclamé au président Vladimir Poutine, selon des vidéos sur les réseaux sociaux, la démission du gouverneur régional Radiï Khabirov, qui avait critiqué ce militant. « Nous ne sommes pas des extrémistes ! Nous ne sommes pas des Nazis !», y lançait un homme debout sur un tas de neige. « Nous voulons juste que la loi soit respectée ! »

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(Avec AFP)

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