Analyse

France: Emmanuel Macron est «dans une posture de président-manager avec la start-up nation»

Emmanuel Macron avait déjà écarté du gouvernement Attal l’aile gauche de sa majorité. Avec sa longue conférence de presse du mardi 16 janvier, le virage à droite est assumé. Interview d'Olivier Guyottot, enseignant-chercheur en stratégie en sciences politiques à l’Inseec-Grande École.

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Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse le 16 janvier 2024. AP - Aurelien Morissard

Par : RFI Suivre

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RFI : Avec les thèmes développés mardi au cours de sa longue conférence de presse - la tenue unique à l’école, l’instruction civique, les cérémonies de remise des diplômes -  le président de la République assume définitivement un virage à droite, comme le constate également la presse étrangère ?

Olivier Guyottot : Oui, tout à fait. On a eu cette sensation qu’il assumait totalement. Quand il a formé son gouvernement, on a beaucoup parlé d’un retour de Sarkozy. Et effectivement, la critique des règles, la critique de trop de normes, le retour de l’uniforme, toutes ces choses faisaient penser au discours de Sarkozy à l’époque de sa campagne où, par exemple, il critiquait mai 68. Il a fait référence à Sardou pour les deux écoles, publique et privée, qui est quand même une figure conservatrice. Tout va dans ce sens-là. Avec, aussi, d’un point de vue sémantique, un vocabulaire un peu militaire. Il a beaucoup parlé de réarmement, de réarmement civique et de mobilisation.

Comme dans ses vœux du 31 décembre ?

Exactement. Toujours un peu dans une posture de président-manager avec la « start-up nation », avec beaucoup de mesures et beaucoup de chiffres, de manière très volontariste et très offensif. On a vu une approche où, grosso modo, il disait que son « regret, c’est de ne pas en avoir fait assez, mais on en a fait plus que les autres ». Il y avait quand même un satisfecit.

« C’est un travail en cours », c’est ce qu’il a répété plusieurs fois. « On a déjà fait pas mal, mais ça ne suffit pas, on va continuer. »

Avec aussi un peu un discours de la méthode. Il faut « collaborer », « coopérer ». Moi, j’ai le sentiment que chacun trouvera un peu ce qu’il sera venu chercher. Ses critiques continueront à le critiquer et ceux qui le soutiennent vont continuer à le soutenir. La question que l’on peut se poser, c’est : est-ce que l’aile gauche macroniste va y trouver son compte ? Alors, il y a eu quelques envolées sur le déterminisme social, sur des choses comme cela.

Le « ce n’est pas pour moi » dont il a parlé plusieurs fois, mettre fin au « ce n’est pas pour moi », inclure davantage les catégories les moins favorisées de la population dans la culture, dans les sports, dans l’entrepreneuriat. Ça a été, aussi, au coeur de son discours.

Tout à fait, mais plus axé sur les classes moyennes que les classes pauvres. De ce point de vue-là, il y avait une différence. Une des questions, c’est, aussi, est-ce que cela va éteindre les polémiques ? Parce qu’il a parlé d’Amélie Oudéa-Castéra, de Rachida Dati , de Gérard Depardieu. Est-ce que ça va permettre de passer à autre chose ? C’est une vraie question.

Rachida Dati qui, d’ailleurs, annonce ce matin sa candidature à la municipale à Paris en 2026. Quand Emmanuel Macron annonce un congé de naissance, la régulation du temps d’écran pour les enfants, le théâtre à l’école, est-ce qu’il est dans son rôle ? Est-ce qu’il n’empiète pas sur les plates-bandes du Premier ministre et du gouvernement ?

C’est une vraie question, ça lui a toujours été un peu reproché. On a toujours trouvé qu’il prenait beaucoup de place par rapport à ses Premiers ministres. Et on reste là-dedans. Ça fait partie un peu de sa personnalité, ça fait partie un peu de cette méthode qui a bien fonctionné. À certains moments, ça m’a rappelé le premier débat contre Marine Le Pen où l’on sentait qu’elle ne maitrisait pas certains sujets et que lui les maitrisait très bien. C’est aussi une manière de montrer qu’il maîtrise les sujets, de rentrer dans les détails.

On peut se poser la question de savoir ce qu’il restera, si on peut dire, à Gabriel Attal lors de sa déclaration de politique générale dans quelques jours, vraisemblablement la semaine prochaine ?

C’est une vraie question aussi, par rapport à l’équilibre des rôles entre président et Premier ministre. Clairement, la feuille de route a été tracée et, parfois, les mesures ont été données. Alors, il a quand même fait en sorte de bien préciser : « Voilà, ils vont vous expliquer comment ils vont le mettre en place concrètement. » Forcément, le côté président tout-puissant, « jupitérien », cela va prêter le flanc à la critique et ne pas l’éteindre, bien au contraire.

Le chef de l’État, lors de ces vœux, avait annoncé un « grand rendez-vous avec la Nation ». Cela a été cette longue prise de parole mardi, inédite à cet horaire, rare depuis 2017, cela avait été le cas uniquement lors de la crise des Gilets jaunes. Est-ce que les mesures annoncées hier sont à la hauteur de ce qui était prévu et de ce fameux « grand rendez-vous » ? Ou est-ce que l’on est clairement en deçà et que la relance du quinquennat attendra encore un peu ?

Je ne pense pas que l’on puisse qualifier cela de « grand rendez-vous » parce que je n’ai pas l’impression que cela va fondamentalement changer les choses. C’est vrai que cela avait un côté un peu à l’ancienne, ça rappelait un peu l’ORTF, ça rappelait un peu De Gaulle. Après, je pense que ça reste un exercice qu’il maîtrise assez bien et que, de ce point-de-vue là, ça lui a permis de reprendre un peu la main sur quelque chose. Des fois, ça rappelait un peu le grand débat et c’est vrai que, dans l’échange, il est souvent assez à l’aise. Ça lui a permis plutôt de briller et de montrer qu’il est toujours aux commandes. Mais fondamentalement, je ne crois pas que cela va changer les choses. Il a eu des thèmes qui ont été beaucoup mis en avant, comme la santé, l’école, après, c’est lié aux questions. Mais je trouve qu’on a assez peu parlé de la question écologique, le pouvoir d’achat par exemple.

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